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« Il y a des milliards d’histoires plus tristes que la mienne »

 

C’est ce que j’ai tendance à me dire lorsque les idées de mort s’insinuent dans mon dos... On parle pourtant de condition médicale. On parle de chimie mal réglée, d’addictions, des potentiels suicides... Et alors ? Cette phrase culpabilisante n’a de cesse de me traverser l’esprit... Je devrais même m’estimer heureuse : je ne vis plus dans un noir complet. Opaque et périlleux - quoiqu’il reste parfois dur de distinguer mes propres traits, ce qu'ils devraient être. Je n’ai plus cette envie violente, lancinante et sanglante de m’arracher la chair et de me tordre la nuque lorsque mes yeux croisent par hasard mon reflet... Je n’ai plus ce poids, lourd à en écraser l’acier, oppressant mes méninges et mes poumons, faisant lentement craqueler mes os et plier mes organes, qui me tombait dessus lorsqu’inlassablement, pour un oui ou pour un non, on me ramenait à mon genre, à mon corps, aux attentes que l’on avait de moi...

 

Je devrais m’estimer heureuse de n’avoir déjà plus ça ... Quoi que ça revient ... Par ci, par là ... Beaucoup ces temps ci ... Souvent en fait... Et quand bien même :

 

« Il y a des milliards d’histoires plus tristes que la mienne »

 

C’est honteux de le dire, mais ce fut presque « cool » à une époque... A 14 où 15 ans, lorsque l’on rêve d’être artiste, on retrouve  souvent cette fascination désolante pour les destins tragiques ...Quand je dis « on », je parle de privilégiés... D’autres la vivaient déjà, leur tragédie... Probablement nombreux. Nombreuses surtout. Quand je repense à mes premières crises, que je voyais comme mystérieuses, emplies de spleen et de virtuosité ... C’était bien pathétique. Ça me fait d’autant plus me dire :

 

« il y a des milliards d’histoires plus tristes que la mienne »

 

Pour une fois, tentons d’être synthétique :

mon calvaire, c’est de mal vivre avec moi même. Mal vivre avec mon corps. Et c’est déjà pas mal me direz vous.

 

J’ai été oppressée pour ma peau - mais d’autres ont vécu bien pire -,  pour le fonctionnement de mon cerveau - mais d’autres ont vécu bien pire -,  pour mon orientation sexuelle - mais d’autres ont vécu bien pire -, pour mon genre - mais d’autres ont vécu bien pire. Ainsi vont les mois, et le refrain qui se répète :

 

« Il y a des milliards d’histoires plus tristes que la mienne »

 

Puis vint le jour. J’utilise l’expression pour la forme... car avouons le : ce fut plus long... Après des cycles entiers, répétés, oubliés...arriva une lumière venue du ciel... Elle n’avait rien d’aveuglante ou d’effrayante. L’on parlera d’étoiles... Pâles, dans un agencement à la forme d’une ligature élégante et rassurante ... Elles scintillaient comme pour m’envoyer un message discret dont je n’avais que peu de doute sur sa teneur, tant la chaleur du halo me caressait la rétine « Tu as le droit d’être triste, de vouloir te déchirer l’âme, de rêver à la mort et au calme »

 

Depuis lors les nuits d’immense détresse, ces moments de mal-être honteux aux relents de culpabilité maladive, me semblent être un peu plus supportables... Ces lueurs me rappelant vers où marcher. Et m’inspirant des nouveaux mots à marteler :

 

« Il est temps d’écrire une belle histoire »

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