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Le Manifeste du Potentiel
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Qu’y-a-t-il de plus beau que le potentiel se changeant en fait ? Une simple évidence ou d’incongrus souhaits ne tenant plus lieu que d’événements passés… Et le phénomène n’est rare pour personne, puisqu’il dicte la vie – et la mort – de chaque être, vivant ou pas, qui peuple la matière entrecoupée de vide, ou le vide, parsemé de matière. Nous sommes l’héritage de cette mécanique, ainsi ne possédons-nous rien, puisque nous sommes le bien possédé : nous ne sommes ni des dieux, ni des géants, ni même les maîtres du monde sinon l’inespérée évolution de ce qui auparavant n’était rien. Nous ne sommes pas grands, nous ne sommes pas sages, ni puissants, ni omniscients, nous ne sommes pas non plus beaux ou braves, ou riches, ou véloces et futés, ni même évolués, nous ne sommes que des Hommes. Et pourtant…


Nous voici constructeurs, architectes, physiciens, savants, neurologues, chimistes, astronautes, cartographes, spéléologues, géologues, géographes et empereurs. Mais mieux encore, nous voici dramaturges, écrivains, conteurs, comédiens, danseurs, acrobates, musiciens, cantatrices, sculpteurs, peintres, poètes, dessinateurs ! Nous voici démiurges, à notre échelle et à notre rang, participant dans le plus pur des instincts à l’agrandissement de nouveaux mondes qui habiteront la Terre après notre disparition. Nous sommes des plus petits des Big Bangs. Mais un minuscule tourbillon reste minuscule… Ainsi, commençons par le savoir…

 

Sachons que Le Visage du Savoir a des milliards de faces. Que Tout est vie, que Tout est art et que Tout est lié. Mais avant, apprenons-nous ! Essayons de rester seuls avec nous-mêmes pour cerner les plus infimes vestiges de nos sentiments oubliés, de ces douces sensations perçues au coin du feu ou le long de l’échine. Capitulons devant la pluralité de nos êtres pour n’en sortir que plus entiers. Puis apprenons à apprendre, à divaguer d’intérêt, à regarder une seconde de plus à gauche pour saisir la note parfaite, puis à droite pour admirer dans un fugace mouvement des contrastes épurés. Soyons fiers de reconnaitre la subtilité dans les détails ou l’ingéniosité dans les incohérences. Puis égayons-nous à la découverte des ponts camouflés qui relient entre elles des centaines de milliers d’œuvres. Découvrons ce qui se fait de plus prestigieux et de plus modeste, et saccageons les préjugés au profit de la curiosité ! Et, des hordes de couleurs nous assaillant de toutes parts, comprenons notre réelle taille, ce qu’elle implique de faiblesse, et notre réelle capacité à faire déjouer notre condition. Regardons ce Visage, et qu’il nous reflète ce que déjà nous savons de nous. Puis fixons celui-là, tentant dans d’éphémères efforts d’en définir les contours…

 

Ce doit être que nous voyons le Visage du Réel, ses pommettes rosies appelant à le rejoindre ! Imitons ses traits pour mieux lui ressembler. Délectons nous de ses charmes et des aventures qu’il propose. Foulons les terres qui jamais n’avais été vues ou celles dont les côtes scintillent de milliers de gerbes à l’annonce de la lune montante. Rencontrons les chefs de centaines de tribus nomades sans nous interdire le luxe d’aimer nos camarades de vie. Par-dessus tout, partageons avec nos pairs – ceux-là même qui comme nous ne sont nés de rien – nos pensées, nos histoires, nos expériences du jour et de la nuit, du bienveillant et de l’infâme, des larmes et de la félicité, du temps… Communions avec nos frères animaux, végétaux, minéraux. Soyons certains qu’ils jouiront d’instants de paix à la mesure de leur majesté. Contemplons-les ! Ainsi, que des rivages azurs aux crêtes latines en passant par les insoupçonnables merveilles que recouvrent les ondes, nous restions sans voix devant les pittoresques reliefs que nous offre notre génitrices à tous, de telle sorte que nous débutions à douter d’être éveillés… Et s’il s’avère que nous ne le sommes point, retournons-nous une nouvelle fois dans notre sommeil !

 

Il nous suffit alors de rêver le Visage de l’Imaginaire pour percevoir subrepticement la lueur de son œil trouble. Même par-delà les limites des songes, il sait parfois nous forcer à écouter des tirades certes bien écrites mais récitées à l’envers… Renversons-les ! Ouvrons les valves retenant prisonniers les sens et la sensibilité de notre for intérieur. Méprisons l’angoisse et ses amies, martyrisant les cogitations pour qu’à jamais elles se recroquevillent dans les recoins sombres. Rendons le Spleen heureux ! Prenons le droit de laisser aller nos réflexions, de les faire croitre puis prendre forme ! Créons comme nos ancêtres le firent. Transformons notre esprit en faiseur de miracle, qu’il vole, percute les étoiles et étende de nouvelles galaxies ! Qu’il s’assure d’être un artiste, car il est un marionnettiste manipulant avec dextérité l’efficace outil qu’est la chair. Modelons des cimes et des sous-sols, sans jamais hésiter à s’employer trop ou trop peu, à voir trop grand ou trop petit. Extirpons de nos tempes les fondations déjà profondes de nos palais d’Idées pour bâtir de nos mains ce qui aura nécessité de voguer des semaines durant sur d’innombrables eaux tantôt brumeuses, tantôt paisibles selon que le soleil brille ou pas… Et voici que cet édifice, fournis par endroit en torchis et en brique, et à d’autres en marbres sertis de dorures, tanguant encore par habitude sous la forces des alizées, nous invite à le mirer de plus près…

 

Alors, nous reconnaissons le Visage du Potentiel, ses traits psychédéliques palpables de nos doigts. Il est notre âme, il est nous. Il est la preuve que nous vivons et que « vivre » est un grand mot. Inspectons notre reflet dans ses pupilles, vague et mystérieux comme des énigmes mayas. Marchons sur ces pavés qui hier encore, captifs de nos méninges, n’étaient qu’un sable fin éparpillé par les vents marins. Puis acceptons d’être doubles, présents dans nos rêves comme dans la ville. Mélangeons l’espace et ses courbes : n’acceptons plus l’irréel, faisons de lui le Potentiel ! Faisons de nos descendants des entités qui seront, plutôt qu’ils ne soient pas encore, faisons de nos inventions des bouleversements qui attendent leur heure, plutôt qu’ils soient fantasmés, faisons de nos inspirations des prodiges, plutôt qu’elles ne soient des illusions. Celles-ci n’existent pas, elles ne sont que l’abstrait portrait de ce qu’on ne voit pas, de ce qu’on ne peut voir, de ce qu’on ne veut voir. Partons pour Rome en sachant l’atteindre un jour, plutôt qu’en l’espérant. Et sur notre route, ramassons les pierres des chemins d’autres réalités, ou d’autres hémisphères pour les empiler. Bâtissons ! Bâtissons des tours, hautes et imposantes, ou d’autres bancales et tassées, chacune unique par ses formes mais toutes originaires de mêmes expériences. Agrandissons ces villes du Savoir où le Réel et l’Imaginaire s’enlacent pour ne donner que ce qui était, est et sera ! Devenons les atomes qui dans la vacuité s’assemblent pour former la matière… Changeons le Potentiel en faits !

 

L’ Œuvre d’un artiste est sa seconde vie.

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