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Miroir

Nous voyons des lignes qui se courbent sous la lueur des rayons qui tapotent la glace. Nous préférons la pénombre. Le clair nous agresse : nous y voyons. Nous voyons comme des vagues, des ondulations, des illusions palpables tordues par des forces et des mouvements inattendus. Tout est brume et mirage.

 

Nous fixons un flanc, orphelin, perdu et morne : il suinte la misère. Et plus loin dans les creux, ceux de la chaleur usuelle et de l’intime, une singularité survit ; un parasite. Mais qu’importe : nous ne regardons pas. Nous ne pleurons pas. Du moins nous essayons ... Quoique nous sentons la brûlure de sa présence, la cruauté sévère des desseins de quiconque l’a mis là. Bah ! Nous souffrons comme nous pouvons.

 

Et plus haut, que dire : une toile, portrait de cubiste, construite de faces et d’angles approximatifs, se pliant, se bombant sous la pression de l’air qui lui fouette le dos. Elle surplombe une plaine sans relief, verticale, dangereuse, privée de ce qui rend d’ordinaire ce genre d'étendues douces et sûres... Tout est erreur...

Nous voyons les racines profondes de mangroves menaçantes, piégeant entre leur bois un feuillage dense, dru et dont la lumière ne s’échappe. Leur étreinte sadique lacère la peau jusqu’à la faire rougir, puis se déchirer. Cette jungle funeste s’étend tel un fléau, tantôt par ci, tantôt par là, ne manquant jamais de faire suffoquer chaque pore, de priver d’oxygène tout espace de verdure... L'on pourrait aussi bien nous percer de toutes parts.

 

Nous voyons un portrait craquelé, aux traits distordus. Le visage représenté semble hurler de peur, d’horreur, se liquéfier ou faire office de nature morte, tant son teint, pourtant foncé, blêmit quand on le fixe. Il se morcelle tel un puzzle, et les sillons entre les pièces, semblables à de longues et fines plaies d'où perle le sang, ajoutent une douleur certaine, et témoignent d’épreuves un peu trop véridiques... et létales ?

 

Nous n’aimons pas ce que je vois.

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