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Lisez ce texte à haute voix… Bien, ça y est, vous êtes la « voix-off » d’une production hollywoodienne ou d’un feuilleton américain habilement ficelé. Votre salive est prête à s’employer pour de longues tirades aux accents tantôt comiques, tantôt dramatiques, mais toujours ornées de quelques maximes élégamment placées. C’est ainsi que vous êtes, le verbe acerbe et monotone, évoquant sans détour ce que d’autres peuvent ignorer en fermant les yeux. Et le pouvoir de vos mots est tel… Vous êtes un autre que celui qui vit ou meurt, vous êtes celui qui a toujours été là. Vous connaissez le monde dans ses moindres détails car, d’une façon ou d’une autre, c’est un peu vous qui l’avez mis là. Et le temps comme ses effets vous sont inconnus. C’est pourquoi l’on peut parfois vous entendre murmurer bien après votre trépas, ou conter avec enthousiasme la naissance de vos aïeux. Nul ne sait votre présence, et tous sont impuissants face à votre regard. La maladie n’atténue pas les échos de votre voix, et les pires de vos passions semblent ne plus rien signifier dès lors que vous parlez. Et de quoi ? Vous n’êtes celui qui joue sinon celui qui regarde jouer, commente la pièce, note les acteurs, ferme la salle… Vous êtes l’omniscience qui donne un sens à la comédie des corps qui se déroule devant vous. Vous êtes bienpensant et juste, juge et témoin, et vous ne prenez parti que pour ce que vous souhaitez le plus voir compris. Rien de ne vous empêche pourtant de jurer à propos des plus sournois de vos protagonistes puisqu’après tout, le narrateur est roi… Vous êtes le roi posant les fondations de tout ce qui est dans l’univers que vous habitez, vous êtes démiurge… et néologiste ! Vous choisissez donc d’évoquer les grandes plaines de l’Est, les légendes de bêtes mystiques et les montages en flammes du fin fond du continent, ou bien les amours délurées de ces deux adolescents dont l’expérience des maux et des joies qu’implique la vie n’est encore forgée. Vous voyagez par-delà l’horizon de notre étoile et y bâtissez des civilisations et des temples qui perdureront peut-être des siècles, selon que l’envie vous en prenne ou non. Vous êtes celui qui présente la vérité toute crue, celle dont les chairs elles-mêmes reconnaissent le souffle. Respirez, et voyez votre œuvre…

Avez-vous lu ce texte à haute voix ? Bien, ça y est, vous êtes un dieu…

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